Le rapport annuel (bidon) de SOS Homophobie

C’EST DU PIPEAU – Le « Rapport annuel sur l’homophobie » est sorti. Mais lorsqu’on creuse un petit peu plus que les éléments de langages fournis par SOS Homophobie, on se rend compte que la méthodologie de rédaction de ce rapport pose question. Décryptage.


Chaque année, SOS Homophobie, sort – en grande pompe – son « Rapport annuel sur l’homophobie ». Joël Deumier, le président de l’association, fait alors le tour des plateaux télé pour en parler. Et encore plus particulièrement cette année, en se servant de ce rapport pour demander que soit ouverte la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules.

Après un hommage à Pierre Bergé, la première page de l’édito donne le ton : « En 2017, 4,8 % de témoignages de LGBTphobies de plus, une seconde année de hausse, + 15 % d’agressions physiques : notre inquiétude est grande face à une homophobie et une transphobie qui ne cessent de progresser. »

Le rapport de SOS Homophobie, sur lequel se base Joël Deumier pour dire : « Le nombre d’actes homophobes a augmenté de près de 5% en 2017 », se baserait-il sur de simples témoignages ? Et, dans ce cas, comment alors parler d’une quelconque progression, puisqu’en réalité, il y a peut-être seulement plus de témoignages… ce que dit d’emblée le rapport d’ailleurs, dans la deuxième phrase de l’édito : « Si les victimes sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à témoigner, les manifestations de lesbophobie, gayphobie, biphobie et transphobie se multiplient. »

Pour lire le rapport dans son intégralité, vous pouvez suivre l’un des deux liens suivants : sur le site de SOS Homophobie ou sur notre site.

Sur la méthodologie

Revenons d’abord sur le comment. Comment SOS Homophobie obtient-il, tous les ans, les chiffres du nombre d’actes homophobes ? Le rapport donne quatre sources :

  • les témoignages reçus par l’association au cours de l’année 2017 (sur notre ligne d’écoute, par courrier, via un formulaire en ligne, par chat, ou lors de certains événements auxquels participe l’association) ;
  • le travail des différents groupes et commissions de l’association ;
  • le suivi de l’actualité de janvier 2017 à décembre 2017 ;
  • l’analyse de la presse au cours de la même période.

On peut aisément imaginer que le plus gros des signalements vient des témoignages reçus. Les témoignages peuvent donc être reçus via l’un des nombreux canaux mis à dispositions par SOS Homophobie : ligne d’écoute, courrier, formulaire en ligne, chat, ou lors de certains événements auxquels participe l’association. Autant de canaux qui permettent à tout un chacun de transmettre son signalement… et autant de canaux, dont la réelle identité des personnes qui témoignent ne peut pas réellement être vérifié : premier problème. 

On constate ensuite que SOS Homophobie prend en compte le chiffre de 1650 témoignages en 2017 (page 16 du rapport). Mais quelques lignes plus bas, ils précisent : « En 2017, les 1650 témoignages recueillis représentent 1505 situations uniques, appelées «  cas  » dans notre rapport, qui font l’objet d’analyses statistiques » (p. 16). Autrement dit, si une personne appelle 20 fois pour une même situation, alors SOS Homophobie comptabilisera 20 témoignages mais un seul cas. Le problème, c’est qu’ils utilisent ensuite la notion de témoignages dans leur communication. Par un premier tour de passe-passe, on observe donc que près de 150 témoignages ne devrait donc pas être re-comptabilisés, ou que c’est le nombre de « cas » qui devrait être utilisé : deuxième problème.

Enfin, dans un graphique, on peut lire que 7% des témoignages reçus sont des témoignages « Divers ». La légende, en bas de page détaille alors : « Appels insultants ou demandes d’informations » (page 17).
7% cela représente 105 cas. Et ces 105 cas sont pris en compte dans le total des 1505… alors qu’ils n’ont rien de témoignages reçus par l’associations. En les déduisant, on arrive alors à 1400 situations uniques d’actes homophobes. On est déjà bien loin du premier nombre annoncé de 1650 témoignages LGBTphobes : troisième problème.

On comptabilise déjà 3 problèmes qui remettent en cause la crédibilité du rapport, et ce, seulement après une analyse de la méthodologie utilisée.

On pourrait encore parler du fait que le rapport se contredit au sujet des agressions physiques, par exemple lorsque deux chiffres différents sont utilisés : « 14% » dans un graphique (page 20) et « 13% » dans le texte qui suit. Et ce n’est qu’un exemple supplémentaire.

Le rapport se décrédibilise lui-même

Le rapport se base donc sur les témoignages reçus. Lorsqu’il s’agit de parler des hausses du nombre de témoignages en 2012 et 2013, SOS Homophobie justifie, en note de bas de page : « Ces hausses s’expliquaient à la fois par une libération de la parole homophobe, mais aussi par une libération de celle des victimes qui osaient davantage témoigner. »

Pourquoi cette justification n’est-elle pas utilisée pour les « hausses » constatées en 2016 et 2017 ? L’augmentation du nombre de témoignage est peut-être due à une simple augmentation du nombre d’appels à SOS Homophobie, sans qu’il y ait eu une quelconque augmentation réelle du nombre d’actes homophobes. Mais ça, SOS Homophobie se retient bien de l’écrire où que ce soit dans son rapport.

Petite clarification : les actes homophobes ne sont pas acceptables. Pire encore, les agressions physiques homophobes doivent être fermement condamnées. Cet article n’est pas là pour dire qu’il n’y a pas d’actes homophobes en France. Il y en a peut-être plus que ceux remontés dans le rapport de SOS Homophobie, ou peut-être moins. Cet article est seulement là pour remettre en cause l’objectivité de ce rapport et sa méthode de rédaction.

Sur l’utilisation qui est faite de ce rapport

Ce rapport est rédigé par SOS Homophobie. L’association l’élabore et présente ses statistiques « uniquement
établies à partir des témoignages et demandes de soutien reçus par [l’]association » (page 15).

Les témoignages sont reçus « à travers les outils de l’associations » (page 15) ; les analyses et la rédaction sont faites grâce à ses propres bénévoles (« Ce rapport est entièrement rédigé par les bénévoles adhérent-e-s de l’association », page 15).

Cette association – et il n’y a rien de mal ou de mauvais à cela, au contraire – est une association militante. Elle porte donc de nombreuses revendications comme l’ouverture la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, par exemple. Elle n’a donc aucun intérêt à faire paraître un rapport qui la desservirait. Mieux encore : pouvoir utiliser ce rapport pour demander plus de droits serait une aubaine… alors évidemment, Joël Deumier ne s’en privera pas dans les médias où il sera invité.

Mais alors quelle crédibilité porter à ce rapport, surtout quand de « 1650 témoignages d’actes homophobes reçus par l’association en 2017 » – ce qui exact –, on passe à « 1650 actes homophobes en 2017 » dans la bouche de Joël Deumier – ce qui est totalement inexact. Comment accepter que ce rapport totalement subjectif soit utilisé pour servir les revendications de l’association et demander plus de droits ?

Comment les médias qui ont reçu Joël Deumier – pour présenter un rapport qui n’est en rien objectif – ont-ils préparé leurs interviews ? Ont-ils seulement lu les 3 ou 4 premières pages du rapport ?

Imaginons une seconde qu’une autre association rédige un rapport elle-même avec ses propres analyses et ses propres experts, puis qu’elle l’utilise pour servir ses propres revendications ou ses propres intérêts : personne ne lirait ou ne commenterait ce rapport et l’association serait décrédibilisée par ses opposants.

Mais ici, l’esprit critique est mis en berne et les opposants évitent de parler.
Pourquoi ? Sans doute pour éviter de faire gonfler les chiffres du rapport de l’année prochaine, par un discours ou un article qui seraient comptabilisés comme un « acte homophobe ».